Ce livre rassemble environ 120 dessins inédits réalisés par Arthur Goldschmidt, père de l'écrivain et traducteur Georges-Arthur Goldschmidt. Cet ensemble composé de portraits, scènes de la vie quotidienne, intérieurs, bâtiments, paysages apporte un éclairage inédit sur le camp de Theresienstadt (Terezin). Plusieurs entrées sont proposées : art, histoire et littérature.
En introduction, l’historienne Annette Wieviorka apporte des éléments d’explication sur le fonctionnement du camp. Les écrivains Marcel Cohen, Guy Pimienta et Roger-Yves Roche proposent une approche littéraire des dessins. Theresienstadt est le nom allemand de la ville tchèque de Terezìn située au nord de Prague. À partir de 1941, cette ville de garnison devient un camp de concentration où sont enfermés de novembre 1941 à mai 1945 environ 140 000 juifs. C’est un lieu de regroupement et de transit vers Auschwitz et d’autres camps d’extermination. Les nazis en font un camp-ghetto présenté à l’opinion publique internationale comme une ville où la vie est normale : scolarisation, activités sportives et artistiques, concerts, spectacles, conférences… Des écrivains, musiciens, peintres, diplomates, scientifiques, juristes, universitaires mondialement connus sont enfermés à Theresienstadt. Un documentaire de propagande y est réalisé en 1944 dont le réalisateur Kurt Gerron est déporté à Auschwitz après le film. En juin 1944, le camp reçoit la visite d’observateurs du comité international de la Croix-Rouge. Une mise en scène est organisée et le délégué Maurice Rossel rédige un rapport favorable. Les conditions de vie dans ce ghetto sont en fait effroyables : sur les 140 000 internés, plus du quart décèdent sur place et 88 000 sont déportés vers Auschwitz ou d’autres camps d’extermination. Environ 17 000 personnes survécurent. Par sa complexité, ce lieu continue d’interroger historiens, journalistes, artistes et cinéastes, dans l’actualité de la recherche autour de la libération des camps.
Arthur Goldschmidt est né à Berlin le 30 avril 1873. Comme tout enfant de la bourgeoisie aisée du XIXe siècle, il apprend le dessin. Après des études de droit, il devient conseiller à la cour d’appel de Hambourg. Issu d’une famille juive convertie au protestantisme, il est déclaré juif d’après les lois nazies. En juillet 1942, il est déporté à Theresienstadt où il devient le pasteur de la communauté évangélique. Il meurt chez lui à Reinbek le 9 février 1947. Durant sa détention, il réalise un ensemble de dessins qui seront conservés par la famille. Son fils, l’écrivain et traducteur Georges-Arthur Goldschmidt, décide en 2011 de confier ces dessins au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation où ils sont désormais conservés.
Les dessins d’Arthur Goldschmidt sont réalisés d’une part dans un petit carnet à couverture noire et d’autre part sur des feuilles volantes, au verso de documents de l’administration du camp. Cet ensemble, avec ses qualités esthétiques et documentaires, apporte un éclairage inédit sur Theresienstadt. Cet ouvrage, par sa forme épurée, ses tons doux, ses qualités d’impression et de façonnage traduit avec sobriété le sentiment d’inquiétante tranquillité que suggèrent ces dessins, comme l’ombre d’un doute : « J’en craignais la beauté d’exécution, et le caractère parfois presque « idyllique » des paysages pouvait créer, me semblait-il, un véritable malentendu », écrit son fils Georges-Arthur Goldschmidt.